La queue du diable

Tôt ce matin. Thé vert, je suis fébrile. Rage pure cette nuit, j’ai oublié pourquoi. Tendu comme une équipe du RAID. J’écoute Jeff Mills et en opération. Sonnerie de mon téléphone, je regarde l’écran. Je ne réponds pas. Je veux monter dans une bagnole. Descendre dans le Sud. Marcher sur une plage en costume Saint Laurent. Blanc. Une bouteille à la main, daurade grillée au déjeuner. Mais je suis à Paris. Quelques minutes à vivre et envahir la Suisse. Taper l’or. Espace vide, là où était Genève. La destruction c’est quoi ? Des hurlements féroces. J’appelle un Uber, je vais dans le XVIIIe. Le chauffeur ne dit rien. Alexandra me fait une pipe, s’essuie la bouche. Allume une cigarette. Elle prend son téléphone, elle va à la fenêtre. Envoie un SMS. Elle dit ma mère est une grosse pute et l’histoire de ma vie. Je vais la vendre à Sanofi pour des essais cliniques. On boit deux shots de Tequila. Qu’est-ce qu’elle dit pour ton père ? Elle ne dit rien. Ça fait combien de temps qu’ils ont divorcé ? Je ne sais plus. Une quinzaine d’années. Des bruits de talons dans l’appartement au-dessus. Des flics au carrefour. Ciel bleu. C’est quoi le 8 mai déjà ? Alex en culotte, assise sur le canapé, verre à la main. Elle dit on fait quoi ? Je dis rien. On ne fait rien. On se branle, on défonce le Pecorino. De minuscules échanges. Elle dit il faut que je sorte acheter des clopes. Je l’accompagne. Attestations. On descend la rue jusqu’au tabac des Postes. Je l’attends dehors. Cartouche de Marlboro. On fait des courses, on croise des gens. De sales giclées. De rares contacts et cartographiés. Le réel hébété. En rentrant elle prend une douche. Elle change les draps. Je désinfecte les emballages. Je regarde vaguement une chaîne d’infos. Des voix fausses, minuscule infini. Qu’est-ce qui se passe ? dit Alex. Rien. Les trucs habituels. Je cherche un disque, et elle feuillète un magazine. Elle dit ils veulent des icônes. Je dis je veux dormir. Je me sens minable, ça se termine à la décharge. Elle me regarde. Elle dit c’est banal de mourir. Je dis oui. T’as déjà vu ton cœur sur un écran ? Elle dit non.

Publicité