Description méthodique du vide

Jour blanc. Rythmique martiale et guitares dissonantes. Se rapprocher de son centre, Camille vient de faire un jogging. Haletante, elle me fixait de ses yeux verts. Visage à déchiffrer, le retour de l’imparfait. Faisons quelque chose, a-t-elle dit. Quoi ? lui ai-je demandé. « L’intelligence pure doit retourner se fondre dans la chair, dans le sexe, dans Éros, l’art doit venir ajouter la séduction à la philosophie », je cite Witold Gombrowicz. Pisse-moi dessus, dit Camille. C’est l’histoire d’une fille marquée par une image d’enfance, un repérage chronologique. On entend le bruit de la circulation, on entend des sirènes de voitures de police. Qu’est-ce qui te trouble ? Qu’est-ce qui ébranle ton cœur ? Lieux anonymes et dépouillés, quartier du Bas-Montreuil. Une héroïque obscurité, des marqueurs de tendance. Dynamiques qui nous meuvent à présent, je suis sorti marcher. Le 116 rue de Paris, un centre d’art contemporain. Gardiens de la transcendance, la médiation est au cœur du projet. Programmes et dispositifs, un disque d’accrétion. Lent travelling latéral, plus vous regardez la même chose. Déchets et marchandise, rien de menaçant dans la lumière. Maintenant, dis-moi ce qui fonde une pensée critique. Politiques inactuelles, modes d’organisation. Processus de production, paradigmes économiques, nous pensons que. La loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, dite loi anticasseurs, est publiée au Journal officiel. Faire l’épreuve de l’hétérogène, pluralité humaine. Les mêmes phrases vides de sens (overtalk), Hurlements en faveur de Sade. Règne des visibilités, opinions dominantes. Régime policier des représentations, une ambulance pour Joseph Beuys. Le syndrome de Stendhal, Les Trois bougies de Marc Chargall, le chien de Pierre Huyghe à la patte rose, lévrier blanc qui passe. « Une vérité qui se déplace », écrit Vila-Matas. Ce qui s’expose, corps dans l’espace. Espèces d’espaces. Travail hors des limites de l’œuvre, il n’est pas impossible que le néant s’accroisse. Mouvement vertical ascendant, froissement planétaire. Courants apocalyptiques, esthétique du pire, scénarios catastrophes. Bêtes démoniaques surgies de l’enfer, la couleur du Semtex. La tête d’un paparazzi qui voyage par Fedex. Un squelette qui porte le maillot des Gunners, crispe les doigts sur son fémur. Des enquêteurs qui épluchent des rapports balistiques. Un gourou du capitalisme avancé pris d’une sorte de transe. Martèlement des tambours, les flammes qui dansent. Des mecs qui soudent des mitrailleuses sur les pick-up, un psychopathe qui refait son make-up. Des explosifs, un ex-voto. Une dédicace à la Kalach. Mécanismes d’assujettissement, quoiqu’il arrive. Les Aktions de Rudolf Schwarzkogler, une iconographie métonymique. Le corps blessé, momifié, le pansement suggère. La douleur ne ment pas, que l’horreur a eu lieu. Ou pas. Halètements de la machine narrative, des regards affolés. Faits introductifs, registres alternés : présentation, action, ressourcement, information, effets de tension et de relaxation, de compréhension et de surprise, des progressions entremêlées. Relations entre les personnages, une logique de récit. Des individus errent dans d’infinis tourments, des croyants se massent sur des places surchauffées, des insurgés s’agitent, des adolescents se jettent du haut de ponts surplombant les fleuves, des cannibales se repaissent de chair chaude, lapent le sang frais dans des chorégraphies insensées. Les désordres de type narcissique constituent la majeure partie des troubles psychiques traités par les thérapeutes, la clarté s’amenuise. Syntaxe atomisée, des villes promises à la poussière. Guerriers et bâtisseurs, crient le silence jusqu’à la nuit. Une partition d’orchestre, une théorie des illusions. Ne fut jamais, j’étais hier. Au café L’Espérance, avec Michel Crépu. À l’angle des rues de Beaune et de l’Université, arracher le poète au désert. Caméra subjective, je fais des courses chez H&M. Le calme du jardin, parce que je suis rentré. Les arbres couverts de feuilles et de fleurs colorées, j’écoute les Ramifications de György Ligeti. Dans un coin de la chambre, posés par terre, des monochromes que j’ai manipulés. Noirs. Les déplacer de quelques centimètres, les soulever légèrement, les incliner. Mes mains sur les châssis, le geste est  photographié. La série s’intitule « Miss Manga », du nom d’un mascara de chez L’Oréal. Écarts à peine sensibles, fonctions rituelles. Apparition d’une proche réalité, c’est là que l’ivresse entre en jeu. Du minimal. J’ai tendance à m’abandonner, combien de fois faudra-t-il ?

Publicité