Après-midi sèche et ensoleillée. L’homme avec son destin, j’entre dans l’aire de la danse. Programme d’anéantissement de ma pensée lancé à pleine vitesse, présentifier des entités d’ordinaire invisibles. Dépasser la folie et l’enfermement, se loger dans les phrases. Debout devant l’ordinateur, les vibrations de mon portable. Feuille blanche format A5 posée sur le numéro 126 de L’Infini, fait fonction d’écritoire. Portemine Stabilo 0,7 mm, je bois un verre de Gin. Set de Josh Wink au Neopop Electronic Music Festival, fenêtre embuée par la condensation. Ce qui nous maintient dans l’étonnement, une voix me précède depuis longtemps. Tête féminine d’une grande beauté dite « Dame à la capuche », fragment de statuette en ivoire. Paléolithique supérieur, l’une des plus anciennes représentations de visage humain connues. Découverte au XIXème siècle à Brassempouy, village des Landes. Sentiment de n’avoir jamais dormi depuis le jour où l’œuvre fut sculptée, une conscience suraigüe. Cocktails peuplés de personnages insignifiants, magie de l’instant qui s’étire. Tout reprendre au commencement, une exaltante répétition. L’image naissante, le principe d’immobilité vive. Dynamique amorçant l’inéluctable marche vers une catastrophe, aussitôt dépassée. Buts moralisateurs de fabulation et de propagande, l’ombre toujours plus grande de l’immonde voile de l’obscurantisme, ils s’enfermaient dans le négatif. Qui étaient-ils ? Toujours les mêmes. Faire venir les coulisses, entraîner son désir, marcher dans la lumière le long des mortelles avenues, survivre à sa propre fin. « Écrire faux, les doigts dans une chatte qui pue », je cite Livide dont le Paris-Plage déborde de la chemise cartonnée de couleur noire que j’ai posée par terre, qui peine à contenir les centaines de pages manuscrites non numérotées, fiches bristol, papier à en-tête d’hôtels de province, cartes postales, factures, tickets de caisse noircis d’une écriture parfois à peine lisible. Fièvre des actions projetées, le récit en avance sur la vie. Plein présent, ni pause ni répit. Jouir d’un toucher, d’une sensation. Une main à plat sur les deux pages d’un livre ouvert, en son milieu. Dispositif de visibilité dans lequel se tient l’auteur, la chambre est la structure d’abri. État de bête fauve qui boit au bord du fleuve, étude d’objets concrets. Vigilance du regard, une proie sur laquelle bondir. Signes qui animent le corps du prédateur, tension qui fait frémir les muscles. Le fichier du Journal sur l’écran du iMac, je suis le spectateur d’une forme en devenir. « Morceaux de celluloïd inertes auxquels seul le travail du montage donnera vie », devenir-champ. Percevoir la clôture que sera cet article, quelques minutes plus tard. Regarder passer des inconnus, parce que je suis sorti. S’approcher de la tête du chien autophage, plonger dans ses yeux jaunes. Effervescence soudaine, comme une sorte de crise. Le futur n’existe pas, je n’ai jamais senti l’histoire. Drôle de truc de savoir qui on est, je suis devant un commissariat. Décompte des victimes de la nuit, recherche et détection des auteurs de délits. Système de reconnaissance faciale, traits individualisants, ajustement des identités. Qui se dérobent sous les masques. Tableaux saisissants, sources primitives, rideaux levés sur les scènes du monde, limites assignées, théories institutionnelles, regards abîmés, les ailes de l’ange. Malaise qui paralyse, dégoût du quotidien, se forger un empire. Rien d’autre à ajouter ? Bruits de la circulation, je passe une main sur mon crâne.