Froid clair et sec. Parterre de têtes décapitées, les dieux toujours armés. Roulé en boule à l’abri d’un buisson, le chien autophage se ronge une patte arrière. Peut-être est-il une projection, dans sa version canine et autodestructrice, pathologique, de cette colère qui m’habite. Depuis l’enfance, froide et aveugle. Mon corps porte les traces, visibles ou non, de ces débordements, de cette violence que j’exerce à mon encontre (j’ai d’abord écrit à mon égard). Épisodes anorexiques, abus de toutes sortes, privations, jeûnes. Plaies, fractures, chocs divers. Le réel de la sensation, à la recherche d’un nouveau lieu. Tableaux anciens, l’esprit bondissant vers. L’église voisine, le climat général est marqué par une grande inquiétude. Volée de cloches, sacrifice de la Messe. Trente-troisième dimanche du temps ordinaire, ton peuple sera délivré. Présence à peine de celui qui écrit, l’idée du blanc. Début d’après-midi en France, clairement identifiable. Mangé MacDo, BestFuckingOf. Photographié les restes du repas (plateau en carton, déchets d’emballages, serviettes en papier), posté l’image sur Instagram. Traitement en noir et blanc, il n’y a rien à exprimer. Esthétique du peu, accomplir ce que l’on croit éviter. Absorber digérer couché à angle droit appuyé sur les coudes, assis debout sans plus de souvenirs possibles. Peinture de l’effacement, il est temps d’évoquer. L’acte fondateur de M19 (Mai 19) est ce tract (feuille A4 imprimée recto verso) envoyé à l’ensemble des députés de l’Assemblée nationale et à une sélection d’intellectuels et écrivains, intitulé Faut-il faire la révolution ? Réponse de Philippe Sollers : « Oui et vite, qu’on passe à autre chose ». D’autres tracts suivront, je n’ai rien conservé. C’était en 1997, trois ans avant que je publie le numéro 1 de MAP (Où est Claude Closky ?), dépliant-affiche tiré à douze mille exemplaires, distribué dans les galeries et centres d’art. Dix-sept années d’activités éditoriales, de création de livres et revues, enquête sur une disparition. Événements du passé, d’autres vies adviennent. Où maintenant ? Parole vécu écrit Journal. Voix qui semble sur le point de s’éteindre, s’éteint, se fait entendre. Voix devient voix déclare la parole impossible. Plan matière couleur, l’auteur tel qu’en lui-même. Passe une main sur son crâne, et grimpe à un palmier. Perception de (le visible, l’audible et le reste), j’ai les yeux dans les doigts. Chaque signification nouvelle, une expérience sensible. Le regard prédateur, l’épiphanie par le verbe. Le temps chronologique, vidange de la vessie. Le phénomène de la miction, dominé par la gravité. Se rapprocher du presque rien, ne pas dramatiser l’énonciation. Marcher de long en large. Plusieurs fois aujourd’hui, dans un état d’agitation. Oppression, fébrilité, pas le goût de. Comme un poids sur ma cage thoracique, construire des phrases. Simplicité et symétrie, lumière déclinante. Tu crois que je ne t’ai pas vu tricher en lançant les dés ? dit Nono à Querelle qui va se faire défoncer. Éclat romantique de la révolte, il donne son cul mais n’embrasse pas. Dilatation de l’instant, mouvement de sortie du danseur. Froissement d’étoffe, chambre à peine éclairée. L’âme des morts, l’origine de moi. « Quelle heure est-il ? La même que d’habitude ».