L’adieu au visage

Faire-part de deuil, ce qui a disparu. Figure de l’homme (expressions fugitives), et qui avec la voix. L’image figée du portrait, des fugues dissociatives. De nécessaires respirations. Cette angoisse face au vide (transmissible, contagieux), univers carcéral. Vecteurs du mal, agents de la peur et du chaos. L’existence du terrible (Rilke), faire surgir l’écriture. Tracks inédits de Plastikman — Spektre et Narcosis — qui signe la bande son du défilé numérique Prada automne-hiver 2021 (collection homme, fashion week de Milan). Rythmes hypnotiques et syncopés, mains gantées des mannequins. Présences tapies dans l’ombre, une garde-robe post-pandémie. Élégance radicale, traverser des pièces vides. Danser dans la couleur et sur d’épais tapis. Insister sur le vide. Vivre dans l’inhabité (je n’ai connu que ça), la tenue du langage. Ce qui restait à dire, et qui est en avant. Les traces de l’ancien monde, dans le silence des musées. Les rideaux de perles de Félix Gonzalez-Torres, que plus rien n’animait. Personne pour en franchir les seuils, plus aucune vibration. Ce qui engendre des passages, la déchirure des foules. Limite et folie. De noirs silences, au terme du voyage. L’autre côté n’existe pas.

Cet article, exceptionnellement illustré par un autoportrait au masque, marque la fin de la première séquence de mon journal, commencé le 20 octobre 2018. Ouvre sur ce qui sera peut-être la séquence 2, pas encore définie. Le journal : une sorte d’atelier. Un espace dans lequel je travaille la forme et où naît la fiction, avant de prélever dans cette matière (un million de signes pour la première séquence), de redistribuer le texte — découpé, parfois réécrit — dans des récits identifiés par un titre, un genre, un format (à ce jour inédits).


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Levée de doute

Plus d’un mois sans écrire (des manuscrits à oublier, une nécessaire mise à distance), à l’exception d’un texte de quatre-mille signes pour la revue Cockpit, à paraître en décembre. À part ça, rien. Puissances mythologiques, et des chaînes d’abattage. Actualités et couvre-feu. Le chant des sirènes qui s’est éteint, j’ai fait du tri dans mes archives. Électroniques. Détruire, déplacer, renommer, sauvegarder. Se lever, aller à la cuisine, faire la liste des courses. Et commander en ligne. Les heures du jour, un verre de vin. Assis, debout, couché, debout. À la fenêtre et confiné. Ce qui a lieu, l’œil et la chair. Un shot de Gin et nos nuits blanches. L’obscurité pleine de silence, et l’écran du iMac. YouPorn sans le son et j’ai ouvert des livres. Des témoignages de guerre, je me suis remis à courir. Téléchargé l’attestation, et c’est peut-être un mot. De déplacement dérogatoire, je croise des sentinelles. Dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre — énergie temps passé pensé les yeux ouverts à soi — autour du domicile. Douleurs dans le tendon d’Achille, la matière littéraire. Strap de maintien et baume du tigre. Jambe gauche, toute civilisation et au cœur de la ruine. Voilà. Nous sommes le lundi 23 novembre 2020, et je suis à Paris. Ciel nuageux, j’écoute Richie Hawtin. Watergate Berlin, c’était en 2012. Année internationale de l’énergie durable pour tous, ce qui se réalise. J’ai lu, ce matin, la Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies (Pascal, Divers traités de piété, 1666). Destruction du corps, de la vie et du monde, on ne va pas s’ennuyer. Quelqu’un dit ce n’est pas l’échange avec d’autres personnes qui me fait chier, c’est plutôt le fait d’avoir à expliquer mes choix. Mordre des carotides, dans la lumière solaire. Planter sa tente sur le terre-plein central du parking de l’hypermarché d’une zone périurbaine, c’est un putain de programme. Essayer dire (merci Beckett), il est temps désormais. Dynamique est actée, se remettre au travail.

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Ceci est le deux-cent-cinquante-troisième article de mon Journal, commencé le samedi 20 octobre 2018. Après Camille vient à Paris et elle repart (c’était avant le virus, ça prend fin quelques jours avant le premier confinement, 260 000 signes) et Paris-Plage (les faits se déroulent sur une période qui va du 17 mars au 5 septembre 2020, 317 000 signes), j’écris un recueil de formes courtes intitulé L’Éternité avec des chips. Mais aussi un nouveau récit intitulé SUD-SUD-EST, sous-titré La totalité du texte plus la dégradation. Par ailleurs, je relance la série des peintures blanches (gesso, acrylique, plastique et papier), et je travaille à de nouveaux projets photo. Collections exclusives, et la maîtrise des coupes. Horizon dystopique (pas plus que ça), tout acte de terreur. Les militants de la pulsion de mort s’agitent, pathologique. Ici comme toujours. Esthétisation de la ruine, note dégradée, fonds indiciel et peut-être même qu’on se fait un peu chier. Manuel de survie en zone difficile, potentiel d’excitation du public. Une autre Guerre, vocabulaire. Des mesures d’exception, des protocoles autoritaires. La vie en face un champ de mines, montée constante d’adrénaline. Le monde comme tentation et comme menace, des boules de lumière envoyées dans l’espace. À Paris aussi, le ciel est immense.

Le ciel était si clair

Rue de la Fidélité. Alex fume à la fenêtre. On vient de baiser. Elle passe la main dans ses cheveux, et un doigt sur sa fente. Nos bagages dans la chambre. Le matelas couvert d’un drap. Blanc. Départ demain, le soleil là-bas. La mort qui rôde, la voix du feu. Ce que disent les scientifiques : molécules présentes dans l’air expiré. Ce que je dis aux politiques : laisse tomber. Traverser le naufrage, quoique puisse espérer (l’électeur). L’art érotique et jusqu’à ce que (nécrose). Ferveur pour le progrès, le couteau dans la plaie. Celui qui parle et ne dit rien. Les exploits du héros, veux-tu que j’arrache la page ? Il se sent comme une merde et il est sous Xanax. L’épée aux clous d’argent, et Alexandra Rose. Elle va dans la cuisine. Elle revient avec une pomme. Tu en veux une ? Elle s’allonge sur le canapé. Son téléphone sonne. Elle dit c’est ma mère, et elle ne répond pas. Ce qui arrive par l’écriture. Je suis vautré sur une réédition de fauteuil Barcelona acheté mille balles je ne sais plus où. Et j’ai encore envie de baiser. Tout corps prêt à bondir, je vais te déchirer. Elle dit non, tu ne feras pas ça. Si, je le ferai. Promets-moi que tu le feras. Alex se branle. Je me branle, elle s’est assise. Les jambes ouvertes. Elle jouit et elle me suce. L’excitation, jusqu’à la fin. Les noms des disparus, vous qui vivrez plus tard. Ne pas se tromper sur le présent. Ce qui est derrière nous, depuis le dix-sept mars. Elle dit tu sais ce qui s’est passé ? Non et toi ? Pareil. Elle prend une douche. Elle s’habille. Jean et T-shirt, l’odeur de son parfum. Exigence de continuité, je vais dans la salle de bains. On dîne au Grand Amour. Tartare de veau et filet de bar. D’une table à l’autre, et en terrasse. Tu veux boire quoi ? Quelque chose dans son regard, ce que suppose l’événement. Elle sourit. Elle dit la nuit dernière. J’étais couchée. Quelqu’un a frappé à la porte. Vigilance éveillée. Dans cette phrase là, et l’heure qu’il est. Elle regarde autour d’elle. Elle porte son verre à ses lèvres. Sancerre. Elle dit j’ai peur des gens. À notre droite, un couple silencieux. La fille d’Adam derrière le bar. Son visage brûle, derrière le masque.

Achille reçoit les armes

Éclater comme des bombes. Les dieux pulvérisés, la puissance des empires. Ressources énergétiques, cathédrales financières. Les peaux de bête de l’Homo sapiens. Aiguilles à chas en os pour coudre les vêtements, et il faudrait filmer. Luttes ethniques, ce qui fonde la fiction. Ils sont dans un café et il lui parle de ses projets. Elle se lève et elle va aux chiottes. Le catalogue des perversions, tout effort de pensée. Des accès de folie. Des stratégies d’investissement. Des compléments alimentaires à base d’Oméga 3. L’incessante production, tout système dogmatique. Le motif de l’Apocalypse. L’espèce dite dominante. Pluriel irréductible, rivalités mafieuses. Chamanisme révolutionnaire et hallucinations. L’année où près de trois milliards d’être humains périrent, victimes d’attaques bioterroristes, à l’origine d’une guerre mondiale et nucléaire. Respire. Ténèbres intemporelles, augmentation des taux de positivité au coronavirus. Le nombre de patients hospitalisés en réanimation ne cesse de progresser, et cela étant dit. Une porte claque et dans l’immeuble. Bouteilles qui s’entrechoquent dans le conteneur à verre, Alex m’envoie un SMS. T’es où ? Le règne des algorithmes, et celui des machines. Aliénation et nihilisme, le vide et en même temps. Le temps qui s’accumule. L’univers carcéral. Les ruines et l’édification. Statues en bronze et renversées. Bien. Des lieux de mémoire, le monde réel. Le dernier jour de Pompéi. Moulages en creux, les corps désagrégés. La défonce du réel, c’est un putain de tableau. Qui se réclame de l’humanisme ? La multiplicité des faits, et la fureur des glaives. Le tragique de l’histoire et le cyberespace. Bunkers et survivalistes. Enterrez-vous, pluralité des plans. Peindre c’est mettre de l’ordre. Vivre aussi, et je cite Géricault. Résurrection. Le texte en marge, quelque chose suit son cours. Les stores baissés, l’appartement dans la pénombre. J’écoute Black Midi, Schlagenheim. Je bois une Tsingtao, je regarde l’ordinateur. Quelques notes sur ma table, la moitié d’un sandwich. Six mois de ma vie, pendant lesquels j’ai écrit Paris-Plage, s’achèvent. En forme d’ellipse et de vol Air France. Poétique du lointain, aller chercher qui nous étions.

Mise à l’épreuve

Levé à l’aube. Je travaille jusqu’à midi. Je prends une douche. Serviette nouée sur les reins. Pieds nus sur le plancher. Poussière. Les bruits de la rue. Les aboiements d’un chien. La toile blanche près du canapé, ça fait six mois que je la regarde. Or c’est avoir les yeux fermés. Les fissures au plafond, la fin de Paris-Plage. Qu’y a-t-il de vous, dans ce roman ? Programme à double je, l’existence éclatée. Oui, mais qu’est-ce qui est vrai ? L’aveuglement. Qu’est-ce qui reste à la fin ? Respiration universelle, et Alexandra Rose. Qu’avait-elle fui ? Les faits connus. Viens avec moi, avait-elle dit. Je sors. Travelling avant, franchir le seuil. Les marques au sol. Les enseignes des boutiques, les tags sur les vitrines. Des tubes néon, la lumière vibre. Des silhouettes fatiguées. Matériel génétique, et renoncer à soi. Des gueules de faits divers, la ville désinfectée. Salubrité de l’espace public. Santé mentale, de vieilles blessures. Pratique de la violence. L’activité. Le moindre geste. Le secteur tertiaire produisait des services. L’agitation et l’imparfait. Vitesse et efficacité. Béton sur Seine, j’avance masqué. L’eau noire. Le registre des opérations. Cette femme qui fume à la terrasse de Chez Jeannette. Seule. Son smartphone dans les mains. Et qui soudain vomit sur le trottoir. Parois d’une grotte, au pied du mur. Des couches de cendres. L’énergie des étoiles. Je rentre. Penne all’arabiata, des feuilles de basilic. Je bois un verre de vin. Rouge. Lecture des actualités, les prédicats du livre. Mesures d’urgence, refonder les modèles. L’effacement de la dette. L’ouverture du procès des complices des auteurs des attentats de janvier 2015 en France. Charlie Hebdo, Hyper Cacher. Traces dans l’assiette, je me fais un café. Unités de mots. La matière esthétique, et l’assiette dans l’évier. Le gisant. L’immobile. Le figé. Nettoyer. Le mouvement. L’Hydre mythique. Une autre langue, le grec ancien. Un fait social. Des liens nouveaux. C’est un voyage. Ni rédemption, ni délivrance. Les états du présent, juste ce qu’il faut de paranoïa. De sexe, de Mezcal, de Prada. Somme archéologique. Suite linéaire. Traînées de condensation et vagues marines. Arriver là.

Fragment posthume

Venez-voir, dit le pompier à ses collègues, il est crevé. Bactéries de putréfaction, c’est de moi qu’il s’agit. Je suis par terre dans l’entrée, ils viennent de défoncer la porte. J’allais sortir quand je suis tombé. Mes yeux ouverts et l’odeur de la mort. On rabat mes paupières. Sac mortuaire, ils emmènent mon cadavre. Adieu définitif et durable, si tu vois ce que je veux dire. Un souffle violent m’a poussé vers l’avenir. Le chant final, depuis quand suis-je ici ? Depuis toujours. Vraiment ? Arrêt du cœur, constate le médecin légiste. Ah merde ! Même pas un petit virus ? Un demi SARS-COV-2 ? Non monsieur, l’infarctus du myocarde. Je dis ça fait chier, je devais partir en Grèce. Inhumation à venir, et l’acte de décès. Les pleurs d’Alexandra, les mots de quelques amis. Je m’étais retiré de toute vie sociale et depuis longtemps. Que d’autres avancent, pour moi c’est terminé. Je ne suis plus écrivain, et j’en ai rien à foutre. À part ça ? Rien. Des raves anti-masque, des vidéos virales, les fils d’actualité. Les conneries habituelles, la raison est à l’œuvre. L’accord grammatical, quelques notes de bas de page. Des mises au point objectives, le goût du paradoxe, des polémiques et des impostures. Les cent-quinze-millions de visites quotidiennes sur Pornhub en 2019. Les cent-cinquante vaccins contre la Covid-19 en développement dans le monde, dont cinq ont franchi le stade trois, étape qui consiste à vérifier son efficacité à grande échelle. Demandes d’autorisation de mise sur le marché, ça ne me concerne plus. Mon sang, qui s’est épaissi, se sépare en deux phases : l’une claire, contenant le plasma, l’autre foncée, contenant les globules rouges. Mes artères qui se vident, et la surface de l’être. Tissus en décomposition, les fluides organiques. Des gloires inaccessibles, régner dans son cercueil. L’espace commun de l’humanité et ma gueule au cimetière. Le nom de l’auteur, la pierre tombale. Alex viendra-t-elle se branler ? Sa mouille et sur le marbre. Sa chatte et sur le Pierre. Je suis baisé, au fond du trou. Voir dans le noir, la beauté des danseuses. La teuf dans l’au-delà, et les boules à facette. Il est où, le putain de champagne ?

Haut de page

Alex m’appelle. Elle dit j’ai pris les billets d’avion. Je regarde par la fenêtre et il n’y a rien à voir. Je regarde les murs et il n’y a rien à voir. Ce qu’il y a derrière ces murs. Vol Paris Mykonos, deux nuits sur place et le ferry pour Paros. Elle dit je vais chez H&M, tu as besoin de quelque chose ? Elle dit je vais courir. Elle dit je suis en bonne santé. Elle parle d’une voix douce, ce qu’elle me dit parfois. Ce sentiment d’être suivie. Aucun lieu n’est plus sûr — depuis le viol, l’auteur jamais identifié —, et je pars avec elle. Consulat de France, informations du vingt-huit août : remplir le formulaire de localisation de passager mis en place par les services de la protection civile hellénique. Déclarer le logement initial, ainsi que l’itinéraire qui sera suivi pendant la première semaine du séjour. Un test de dépistage de la Covid-19 peut être réalisé à l’arrivée en Grèce. Voilà. Homère dans le texte et coton-tige. Atteindre la paroi arrière du pharynx, je sors boire un café. Lucifer positif et fiévreux. Une vitrine défoncée, des morceaux de verre sur le trottoir. Des poubelles renversées et l’odeur des ordures. Terrasse du Londres, derrière mes lunettes noires. Je pense à des choses avec lesquelles je me débats depuis longtemps, je suis ce mec qui manque de souffle. Manquer de souffle, j’ai fait ça toute ma vie. Quoi d’autre ? À peu près rien. L’automne, bientôt. La faim, toujours. Des produits culturels de masse, l’irruption en gros plan d’une image. La marque de la tondeuse utilisée par les parents de l’adolescente musulmane bosniaque, j’achète des brochettes de Kefta. Je rentre et c’est Philips. Je mange la viande. Je feuillette un magazine. Souvenir avec Alex, c’était un vendredi. On était rue de Clignancourt, je venais de la rencontrer. On a pris de la bouffe chez le traiteur italien. Et du vin rouge. Ce soir-là, Alex a dessiné des femmes qui se lèchent une partie de leur propre corps. La paume d’une main, le dos de la main, des doigts, des orteils, un sein, une épaule, etc. Je me souviens qu’il y avait toutes sortes de langues. Salive. Elle a dit ça serait cool d’imprimer ça sur des T-shirts. J’ai dit oui, ça serait cool.

Un peu plus tard

La lumière grise. Le silence de l’aube. Thé Gunpowder et œufs brouillés. Les hurlements de Guillaume Dustan qui passe devant le Grand Amour. Enculé. Les morts qui gisent tranquille quelque part, l’évolution des précipitations. Courir sous une pluie battante. Heures sombres, la France a une haleine fétide. J’écoute Speedway, de Black Midi. Je mets du porno sur le iMac. Et je l’écris. Je regarde la bande annonce d’Un Pays qui se tient sage, le documentaire de David Dufresne. Montage de vidéos d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre diffusées sur Twitter et pendant plus d’un an, du début du mouvement des Gilets Jaunes en 2018 jusqu’au premier trimestre 2020. Visages éborgnés, membres déchiquetés, crânes explosés. Témoignages d’historiens, de sociologues, d’avocats, de mères au foyer et de travailleurs sociaux. Des marqueurs temporels, les discours qui nous portent. Affaires urgentes, canaux d’information. Déchiffrements systématiques, vitesse de contagion de l’infection virale. Théâtre et contamination. La ligne blanche, une progression exponentielle. Distanciation physique et face à la folie. L’excès de tout. L’insuffisance de quelque chose. Enfermement et solitude, notes autographes, acidité gastrique. Les sons que j’entendais la nuit. L’été. Une absence de parole, une inconscience féconde et des gardes du corps. Toute trace de dégénérescence. J’ai toujours (se lancer contre un mur), il fallait (n’importe quel vêtement), nous devions (cibles privilégiées). Tout ce qui vise à créer un renversement, et bien choisir son arme. Déplacements brefs et à proximité du domicile, des composants toxiques. Masques derrière lesquels, et piégés par nos ombres. Mesures sanitaires internationales, et je fais l’hypothèse. L’anticyclone se centre en Mer Baltique et accélère la remontée d’air chaud sur l’ouest de l’Europe. Quel jour était-ce ? L’effacement à l’œuvre, le roman familial. Images d’enfance, les versions du passé. Des centaines d’heures de film, tout cela a disparu. Ok. Mémoire d’un autre temps, maintenant j’ai une question : quand se fabrique l’écrivain ? Durée d’incubation, le ciel qui frappe aux vitres. Le SMS que je reçois dans le taxi qui me conduit à La Perle. T’es où ?

Peut-être alors

Retour rue de la Fidélité. Culture hétérogène des mégapoles, j’écris l’un des derniers chapitres de Paris-Plage. L’énoncé récurrent du récit, je travaille jusqu’à midi. Je me dis que ce roman, quel qu’il soit, signe l’échec d’une ambition. La puissance de l’échec, quelle est cette ambition ? Mesure de ma fréquence cardiaque, le verbe se fait chair. J’accumulais les mots, les manques qui affaiblissent les corps. Que faites-vous dans la vie ? Quelle est la première décision que vous prendriez si vous étiez le Maître du Monde ? Tout avait commencé au premier jour du confinement, ça finirait le dix septembre. Le voyage en Grèce, un vol Air-France. Que s’était-il passé, depuis le 17 mars ? Qu’était-il arrivé ? Distance nécessaire vis à vis des phénomènes d’actualité (aussitôt démentie), critères d’évaluation de cette littérature. Avais-je réellement fait, plusieurs centaines de fois, le tour de l’appartement en buvant du Mezcal ? Existait-il une relation entre ces actions solitaires, le cercle ainsi créé et la nature du texte ? Pouvaient-elles être perçues comme artistiques ? Zone de confort performative et alcoolisée, et pour qu’enfin il soit possible. Les doutes qui pèsent sur la situation contemporaine, les modalités d’exposition de soi, la question des pathologies sociales, le durcissement des règles contre les fêtes sauvages et le port du masque rendu obligatoire dans toute la capitale s’exprimaient-ils ici ? La crise liée au SARS-COV-2 devait-elle être considérée comme une conséquence de l’horreur libérale ? Médecins et malades étaient-ils mis en scène ? Qui était le patient qui, après avoir arraché sa sonde d’intubation, délirait sur son lit ? Emmanuel Macron vomissait-il vraiment sur les tapis à L’Élysée ? Et derrière les rideaux ? Le citoyen d’Athènes était-il toujours libre de revêtir sa toge et de plaider sur la place publique ? L’argent de l’héritage avait-il été crédité au compte bancaire d’Alexandra Rose ? La maison de son père avait-elle été vendue ? Me feras-tu mourir dans ton putain de roman ? m’avait-elle demandé. L’encre noire qui courait sur la page, te voir me découper le cœur. Peu de temps après, ils atteignirent la mer. L’histoire pouvait s’arrêter là.